Carl Philipp Emmanuel Bach Biographie

Carl Philipp Emmanuel Bach est une figure déterminante dans la transition du baroque au style classique de Haydn et Mozart.. Plusieurs de ses premières compositions reflètent l’influence de son père alors que les concertos qu’il écrivit durant son séjour à Berlin nous rappellent les compositions de Vivaldi et ses structures « ritornello ». Mais l’influence du baroque dans la musique d’Emmanuel s’éclipse graduellement par le dualisme thématique et les contrastes clefs de la forme classique de la sonate.

Né à Weimar le 8 mars 1714, il est le deuxième fils de Johann Sebastian Bach et de sa première épouse, Maria Barbara. Il eut comme parrains, Georg Philip Telemann and A.E. Weldig, un musicien de cour. Il est âgé de trois ans lorsque sa famille déménage à Cöthen, sept ans lorsque son père épouse Anna Magdalena, et neuf ans lorsque son père devient Cantor à l’église de St. Thomas de Leipzig. Emmanuel fut élevé dans la riche atmosphère musicale de Leipzig. Dans sa courte autobiographie, Emmanuel avoue qu’il n’eut pas d’autre professeur de musique que son père. Il excellait au clavecin; et, selon Schubarth, à l’âge de 11 ans, il pouvait apparemment joué à vue n’importe quelle pièce de clavecin composée par son père.

En 1731, Emmanuel fut admis pour l’étude du droit à l’université de Leipzig, études qu’il poursuivit à compter de 1734, à Frankfurt an der Oder d’où il gradua en 1738. Durant toutes ces années d’études, il s’adonna à la composition sous la supervision de son père. De pièces pour clavecin, il poursuivit avec de la musique de chambre pour enfin, à la fin de ses études universitaires, être considéré aussi comme un compositeur.

Immédiatement après sa graduation, en 1738, Bach reçut une «invitation inattendue et gracieuse de la part au prince de Prusse de se présenter au palais de Ruppin ». Le prince lui présenta une offre – qu’il ne pouvait pas refuser – de faire partie de sa maison. Bach allait y rester presque 30 ans à son service.

En tant que claveciniste à la cour de Frédéric II, d’abord à Rupin et Rheinsberg puis à Berlin lorsque le prince devint le roi Frédéric II en 1740, Bach occupait un second rang. Les musiciens les plus privilégiés de la cour étaient Carl Heinrich Graun, et, en particulier, Johann Joachim Quantz, le professeur de flûte du roi ainsi que le pourvoyeur de concertos pour le plus grand plaisir du roi. Non seulement Quantz était mieux payé que le jeune claveciniste-compositeur mais il jouissait d’un pouvoir unique à la cour. Bach vint non seulement à ne pas apprécier son statut inférieur au point de vue financier mais aussi l’atmosphère de flagornerie qui prévalait à la cour.

Au cours de son séjour à Berlin, Bach écrivit un nombre appréciable de musique « d’utilité » superflue, incluant des pièces faciles pour clavier et des œuvres que le roi pouvait interpréter. Mais dans ses premières compositions majeures pour clavecin - les sonates prussiennes de 1742 dédiées au roi Frédéric et celles de Württemberg en 1744 dédiées au grand duc Carl Eugen – l’influence de son père co-existe avec sa propre sensibilité : ces sonates ébranlent à maintes reprises la douce euphonie du style galant par ses chocs harmoniques et les discontinuités non familières et soudaines quant au rythme et la texture. Quoique la conception de Bach suggère souvent la sonate classique dans une forme miniature, avec des variations et des développements de motifs à la Haydn, les détails font fréquemment place aux improvisations imprévisibles.

En 1744, il épousa Johanna Maria Dannemann, fille d’un marchant de vin. De ses deux fils et une fille, aucun ne fut musicien. Johann August (1745-89) devint un avocat. Le deuxième fils, Johann Sebastian (1748-78) devint un peintre d’une certaine renommée. Il mourut à Rome après une maladie prolongée. Sa fille, Anna Carolina Philippiba (1747-1804) demeura célibataire. Comme aucun de ses fils n’eut d’enfant, la branche familiale d’Emmanuel s’est éteinte en 1804.

Contrastant à cette musique essentiellement privée, il y a ces symphonies et concertos pour clavecin intrépides et ardents que Bach composa pour la cour de Berlin et les salles de concert. Les concertos forment un lien crucial entre la ritournelle baroque de Vivaldi et le concerto purement classique de Mozart. La seule composition de Bach pour chœur, durant son séjour à Berlin, est le Magnificat de 1749, probablement l’œuvre la mieux connue aujourd’hui.

À la mort de son père, Johann Sebastian, en 1750, Emmanuel devint le dépositaire de presque le tiers des œuvres de son père ainsi que d’archives provenant des générations Bach. Il prit sous sa maison, son demi-frère Johann Christian, de 1750 à 1754.

Pendant tout ce temps, Emmanuel Bach devint de plus en plus désenchanté avec son poste peu rémunéré à la cour prussienne. On dénote qu’il fit application sans succès pour le poste de Cantor à Zittau (1753) ainsi que pour le poste de Cantor à l’église St. Thomas de Leipzig (1755) pour succéder à Gottlob Harrer qui avait lui-même succéder à son père.

Durant la guerre de Sept Ans (1756-63), les activités musicales sont réduites à Berlin et, suite à une attaque russe sur la ville, il doit, avec sa famille, fuir la ville et se réfugier à Zerbst. En septembre 1756, Emmanuel mit en vente les plaques de cuivre ayant servi à la gravure de « l’Art de la Fugue » dont seulement 30 copies avaient été produites. Quoique son but était de favoriser une nouvelle publication de l’œuvre, la possession de quelque 60 plaques représentait un poids énorme à déménager advenant une évacuation de Berlin.

Emmanuel a souvent été accusé de mercantilisme pour avoir vendu cette pièce inestimable de son héritage, toutefois, il s’est avéré un gardien efficace de la musique de Johann Sebastian et de tout autre trésor familial qui nous sont parvenus. Moins défendable est le sort réservé à sa belle-mère après la mort de Johann Sebastian; pendant presque dix ans, jusqu’à la sa mort en 1760, Anna Magdalena vécut de charité. Bien que, parmi les enfants, il étant celui qui aurait pu, le mieux, lui venir en aide, Emmanuel ne fit rien.

À la fin de la guerre, le roi refusa de compenser ses musiciens pour les pertes qu’ils avaient subies durant la guerre. Cette décision fut la goutte qui fit déborder le vase. Une occasion se présenta, en juin 1767, lorsque survint la mort de son parrain, Telemann, à Hambourg. L’année suivante, le 19 avril 1768, Bach fut intronisé en tant que Cantor de l’école latine Johanneum et directeur de la musique dans les cinq principales églises de la ville.

Les passions, cantates, et chants de cérémonies qu’écrivit Bach, sur demande, sont souvent fades et insipides. Il existe quelques exceptions, il s’agit de musiques écrites suite à des impulsions plutôt que par devoir.

À part ses devoirs liturgiques, Bach très vite monta ses propres séries de concerts à Hambourg pour se faire connaître en tant que compositeur mais aussi en tant qu’interprète. Pour ces concerts, il écrivit une nouvelle série de concertos pour clavecin en 1771-2 plus modernes dans leur orchestration (avec des flûtes et cors) et superficiellement plus élégants que ceux écrits à Berlin mais toujours entièrement remplis de son audace et sa vitalité. Il faut aussi noter deux séries de symphonies : une première pour cordes commandées par le baron Gottfried van Swieten in 1773, et une seconde pour cordes et vents qu’il écrivit en 1775-6.

Vers la fin du 18e siècle, la réputation d’Emmanuel était à son summum. Wolfgang Amadeus Mozart a dit de lui « Il est le père, nous sommes les enfants ». La majeure partie de la formation de Haydn est due à l’étude des œuvres d’Emmanuel. Ludwig van Beethoven reconnaissait en lui, en toute admiration et respect, un génie.

Emmanuel est mort d’un malaise aigu à la poitrine le 14 décembre 1788. Son corps, ainsi que ceux de sa famille, sauf celui qui est mort à Rome, sont ensevelis dans la voûte de l’église Saint-Michel de Hambourg. Sa tombe a été découverte en 1925 par Heinrich Miesner.

Après sa mort, il semble que les besoins de son épouse et sa fille furent bien pourvus par les produits de la vente de ses œuvres. Celles-ci ont été presque toutes acquises par Georg Pölchau, libraire à la Singakademie de Berlin, et maintenant déposées à la Staatsbibliotek de Berlin.

Au cours des dernières années de sa vie, Emmanuel a supervisé le regroupement de ses œuvres entrepris par l’organiste J.J.H. Westphal. Ce regroupement a été acquis, intégralement, par F.J. Fétis, avec le catalogue thématique élaboré par Westphal puis finalement par le gouvernement belge en 1871. Le catalogue thématique, établi en 1905 par Alfred Wotquenne du Conservatoire de Bruxelles, est essentiellement une copie du catalogue de Westphal. Il contient les incipits des premiers mouvements seulement et ne décrit ni donne les endroits des sources. Les titres sont ceux de Westphal plutôt que ceux du compositeur afin de faciliter le processus de catégorisation.

Son traité théorique « Essai sur l’art de jouer les instruments à clavier », publié en 1753, est probablement le plus important traité pratique sur la musique écrit au 18e siècle. Il est un guide standard concernant le doigté, l’ornementation, l’aesthétique, l’accompagnement et l’improvisation. Déjà en 1780, il avait atteint sa troisième édition. Il a servi de base pour les méthodes de Clementi et celle de Cramer.